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Vous
avez travaillé dans ce domaine depuis une quinzaine d'années.
Voyez-vous une évolution du statut de la danse traditionnelle?
La recherche en danse suit-elle cette évolution?
"Une évolution du statut de la danse traditionnelle"
- la question est sur deux plans, selon ce que l'on désigne
par danse traditionnelle.
La danse traditionnelle authentique, la culture vivante des paysans
décline vite. La dernière génération de
Hongrois ayant encore ce savoir a environ 70 ans, et la chaîne
de transmission a été rompue. Par conséquent
cette expertise particulière va disparaître avec cette
génération, dans un futur proche. Nos recherches se
concentrent sur ces danses et nous essayons le plus possible de les
préserver. Malheureusement nos soutiens sont limités
et nous sommes notamment en retard dans nos moyens techniques.
Par ailleurs la danse traditionnelle se développe dans les
communautés urbaines de Hongrie, avec un mouvement
revivaliste en pleine expansion : il y a de nombreux ensembles
amateurs ou professionnels, les "maisons de la danse" -
des clubs de danse traditionnelle - représentent une sous-culture
urbaine très vivante dans la jeune génération.
Une consécration récente pour la danse traditionnelle
est avoir été intégrée dans le cursus
de l'éducation générale, et en conséquence
un grand nombre de professeurs de danse traditionnelle sont formés
à l'Académie hongroise de danse.
Ma réserve sur le mouvement revivaliste en danse est qu'il
n'y a pas eu de véritable transmission.
La danse traditionnelle en milieu urbain copie
des formes figées et n'est pas en mesure de générer
de nouvelles formes. Pour cette raison, afin d'alimenter leurs besoins,
les revivalistes poussent les chercheurs à trouver constamment
du matériel nouveau. Ou bien ils vont eux-mêmes faire
des "recherches" pour trouver de nouvelles "sources",
de nouvelles "inspirations". Ils apprennent les "motifs",
les courtes séquences caractéristiques de mouvement,
et les règles pour les agencer, les règles d'improvisation.
Mais aucun ne peut créer
de nouveaux motifs ou de nouvelles règles.
Je n'irai pas dans une analyse esthétique approfondie, mais
il faut être conscient de ce phénomène : un motif
de danse populaire est parfaitement composé, il reflète
expressivement la "vie intérieure" et les émotions
des danseurs, et l'usage commun le modèle jusqu'au point où
il peut être diffusé et intégré à
la tradition.
Les motifs et la structure sont apparents, mais le processus de création
est secret. La dernière génération possède
encore ce savoir - les familles de bons danseurs ont leurs propres
motifs, transmis de père en fils, et ils dansent également
les motifs communs. Comment ces motifs "privés" ont-ils
été créés? Pourquoi la génération
actuelle urbaine est incapable de créer un seul motif véritable?
Au-delà de la préservation, la recherche peut faire
cela : découvrir le processus unique, caché. Pour répondre
à votre seconde question, en cas de réussite notre recherche
consisterait non pas à suivre
l'évolution, mais à la ré-initier. |
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