Pour l'une de vos partitions Artifact
II de William Forsythe vous avez décidé de
mettre en couleur certaines parties de votre notation. Pouvez-vous
nous expliquer ce choix?
Durant les répétitions trois différents aspects
se dégageaient de la chorégraphie que je pensais devoir
exprimer dans la partition.
- Improvisation structurée (ou tâches). Les paramètres
du mouvement sont définis et il est demandé aux
danseurs d'explorer les mouvements possibles à partir de
ces paramètres.
- Directives chorégraphiques, identiques de distribution
en distribution. Forsythe avait soit indiqué comment il
voulait que le mouvement soit dansé, soit la séquence
de mouvement limitait le danseur dans ses choix. Des mécanismes
pour les portés - comme qui tient qui, à quel moment
- sont rarement modifiés (même si les détails
d'une prise peuvent varier selon les différentes distributions).
- Propositions chorégraphiques ouvertes. Forsythe a souvent
parlé de son désir de donner aux danseurs un environnement
dans lequel ils peuvent trouver leur style propre, la chorégraphie
"conduisant au désir de danser" plutôt
que fixant des pas avec lesquels l'interprète aura un lien
passager.
Par exemple si Forsythe propose un "rond de jambe à
terre en dehors en plié", le rond de jambe est obligatoire,
mais le danseur peut:
- Plier au début, au milieu ou à la fin du
rond de jambe.
- Rester en demi-plié, ou approfondir celui-ci.
- Rester sur sa jambe d'appui, ou se déséquilibrer
- Conserver la même orientation, ou pivoter de 1/8
ou 1/4 de tour.
Mon enjeu était de signaler visuellement au lecteur quels
moments de la partition étaient une "tâche",
une directive du chorégraphe, un mouvement ouvert à
une interprétation différente de son écriture.
La couleur était une solution.
Le rouge signale une improvisation structurée. Le reconstructeur
indiquera verbalement la tâche, ses paramètres, et
laissera le danseur trouver sa solution. Si le danseur a une difficulté
à résoudre la tâche, le reconstructeur pourra
démontrer ce qui a été noté, qui est
une solution parmi d'autres.
Le noir est utilisé comme dans toute partition. Le mouvement
doit être enseigné et dansé tel qu'il est écrit.
La notation admet cependant implicitement la possibilité
de variantes, selon le danseur, sa technique, ses limites physiques.
Le bleu signale une combinaison entre directive et choix, une approche
propre à Forsythe. Le reconstructeur commence par enseigner
ce qui est noté, puis c'est au danseur de s'approprier le
mouvement. Il est encouragé à explorer des voies personnelles
dans l'interprétation du matériel.
Le bleu dans une portée est indexé par des numéros
bleus renvoyant à des exemples notés. Ces exemples
montrent des choix ou variations faits précédemment
par d'autres danseurs, et acceptés par Forsythe ou son répétiteur.
Ces notations transcrivent des possibilités, mais le danseur
n'y est pas limité.
- Le danseur peut adapter le mouvement ou faire des choix correspondants
à sa propre appréhension de la danse. Si cela correspond
à "l'esthétique Forsythe", le reconstructeur
n'interviendra pas.
- Le danseur peut faire un choix artistique inadéquat,
ou être limité dans sa faculté à explorer
le mouvement. Dans les deux cas le reconstructeur aidera le danseur
à trouver son interprétation en lui proposant les
exemples notés.
- Le danseur peut aussi décider de ne pas faire de choix
et d'exécuter simplement le mouvement enseigné.
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