notation du mouvement
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CONTEXTE QUESTIONS A JILL CIRASELLA
 
Jill Cirasella est bibliothécaire au Dance Notation Bureau. Elle s'y occupe de l'archivage, du catalogage, des relations avec les personnes à la recherche de partitions, et aussi de la mise à jour du site web.
 
Jill, pouvez-vous nous donner un aperçu de la bibliothèque du Dance Notation Bureau?

La bibliothèque du Dance Notation Bureau est un hybride intéressant, entre bibliothèque et archives.
Comme la plupart des bibliothèques, nous communiquons et prêtons des documents aux usagers, et les assistons autant que possible dans leurs recherches. Par ailleurs, comme la plupart des archives, nos documents sont essentiellement des manuscrits non publiés à manipuler le moins possible. Nous prenons à cœur notre mission envers nos usagers ainsi que notre responsabilité envers les chorégraphes et leurs œuvres, et avons mis en place un dispositif pour assurer ces deux rôles.
Premièrement, le DNB stocke les originaux des partitions en notation Laban dans des chemises et des boîtes cartonnées en papier alcalin (sans acide) qui protègent les partitions de la lumière, de la pollution, des dégradations et des erreurs humaines. Ces boîtes ne sont quasiment jamais ouvertes, même par l'équipe du DNB.
Deuxièmement, des copies sur papier alcalin des partitions en archive sont stockées dans des meubles-classeurs, avec d'autres documents tels que programmes, articles de presse, échantillons de costumes. Nous appelons cela nos documents "maîtres". Ils sont régulièrement consultés par l'équipe du DNB, présentés à nos lecteurs, mais jamais consultés directement par ceux-ci.
Troisièmement, nous faisons des copies de partitions d'après nos documents maîtres pour la communication et le prêt. Nous louons ces partitions pour des recherches ou des remontages de pièces, et ceci, sans nous soucier de leurs durées de vie. Bien sûr, nous espérons que les utilisateurs vont manipuler soigneusement le matériel, mais si une partition est endommagée durant le prêt ou durant l'expédition, nous pouvons simplement refaire une copie à partir du document maître sans avoir à toucher la partition en archive.
Grâce à ce système particulier à trois niveaux, le DNB peut donc à la fois conserver et communiquer le matériel.
En plus des partitions, articles, programmes et échantillons cités précédemment, le DNB acquiert également des livres, journaux, photographies, vidéos, partitions musicales, enregistrements phonographiques, ou tout autre élément pouvant servir à des recherches ou remontages de pièces.
Le public peut venir consulter sur place mais c'est assez rare qu'il le fasse, et notre site web est un relais essentiel. C'est la "vitrine" du DNB, ce que la majorité de nos usagers voit. Et nous vous remercions, Marion, de nous avoir aidés à le rendre plus attrayant et accessible.
 
Vous avez fait des études de bibliothécaire avec pour objectif de joindre une bibliothèque liée à la danse. Quelles sont les spécificités de votre travail?

Si la bibliothèque du DNB est petite, son fonds est plein de richesses et de surprises. Il en résulte que ma fonction ne suit pas le schéma classique d'un bibliothécaire documentaliste ou d'un bibliothécaire conservateur.
Durant ma formation de bibliothécaire j'ai étudié le catalogage, la documentation, l'archivage, la conservation, la communication au public. Je pratique ici toutes ces techniques mais, de plus, je travaille avec du matériel sur supports très différents tels que livres, imprimés, articles de presse, archives internes, enregistrements phonographiques, films, partitions manuscrites au crayon, photographies, ainsi que fichiers électroniques et supports de stockage numériques.
Au DNB, je suis la seule bibliothécaire, mais je ne travaille pas isolée. Il y a deux groupes professionnels pour des bibliothécaires de mon type: un groupe pour la documentation des arts, et le réseau des "Lone Arrangers" pour les archivistes travaillant seuls [NDT: Lone Arrangers, ou rangeurs solitaires, jeux de mots en référence à la série télévisée The Lone Ranger où un cavalier solitaire parcoure des territoires inexplorés]. Ces groupes comprennent les enjeux du travail avec des documents atypiques et uniques, mais ne connaissent pas les enjeux très spécifiques du fonds du DNB.
De fait, je suis maintenant une des rares personnes connaissant en profondeur la collection et ses singularités. De cette connaissance découle la responsabilité de prévoir les meilleures initiatives à prendre pour le fonds. Cette responsabilité est cruciale dans ma fonction. Elle est à la fois stimulante et intimidante.
 

Le catalogue de votre collection de partitions peut se télécharger sur votre site web. Que contient-il?
Notre catalogue de danses théâtrales notées [Notated Theatrical Dances Catalog] recense les presque 700 danses théâtrales notées. Le terme "Danses théâtrales" désigne les danses représentées sur une scène pour un public, comme les ballets, ou les chorégraphies de danse moderne ou jazz.
Nous donnons des informations sur la musique, la durée, la distribution, les caractéristiques techniques et l'état de la partition pour la plupart des œuvres au catalogue.
Dans un futur proche, le DNB publiera un catalogue interrogeable en ligne sur son site web. Les internautes pourront ainsi savoir rapidement, par exemple, combien il existe de duos sur des musiques de Brahms.
En attendant, le catalogue peut être téléchargé. L'introduction du catalogue, qui définit et explique des éléments de droit - droit d'auteur et représentation publique, est publié séparément du catalogue proprement dit et se télécharge très rapidement.
J'ai mentionné plus haut que notre catalogue recense les danses théâtrales. Le fonds du DNB contient également des partitions de danses traditionnelles, de danses ethniques, de danses de société, de techniques de danse, et du matériel pédagogique.
Ces partitions sont recensées en ligne sur notre site, dans la section "aides à la recherche" [finding tools] de notre rubrique "bibliothèque" [library].
 

Vous avez suivi initialement une formation en informatique. Les métiers de la documentation s'orientent-ils de plus en plus vers les nouvelles technologies?
Oui, partout les bibliothèques et archives adoptent les nouvelles technologies... mais avec prudence. Nous admettons tous que les documents numériques se lisent, se copient, s'échangent plus facilement que des documents manuscrits. Par conséquent, beaucoup de collections ont entrepris avec enthousiasme de transcrire et numériser des documents anciens, fragiles, illisibles. Cependant, je crois que peu de ces collections font des sauvegardes informatiques de leurs documents numérisés. Nous savons qu'un disque ou un ordinateur peuvent être endommagés, et même ceux qui apprécient la versatilité et la portabilité des documents électroniques ne se font pas trop d'illusions sur la pérennité des données numériques.
Ainsi, au DNB, nous avons transcrit des centaines de pages de notations manuscrites avec LabanWriter, mais ce sont les impressions des documents LabanWriter, pas les fichiers informatiques eux-mêmes, que nous archivons. Bien sûr nous conservons les fichiers informatiques. Nous serons probablement à même de les lire et de les éditer dans dix ou vingt ans. Mais sans doute aucun les imprimés resteront lisibles des centaines d'années.
Comme vous l'avez indiqué, j'ai fait des études en sciences informatiques, et je suis résolument en faveur des projets de numérisation. Mais en tant que bibliothécaire du DNB mon rôle est la conservation de documents graphiques et, à l'heure actuelle, je n'ai une confiance absolue que dans ce qui peut être lu par l'œil humain – sans l'aide de technologies avancées.
 

Entretien fait par e-mail, avril 2002, par Marion Bastien